lundi 24 novembre 2014

Lecture analytique de Bel-Ami de Maupassant, Chapitre 2

Ici est faite la lecture analytique d'une partie du roman de Bel-Ami de Maupassant. Il s'agit d'un passage du chapitre 2 de la partie I allant de "Mme Forestier couvrait Duroy d'un regard protecteur..." à "il crut y voir une gaieté plus vive, une malice, un encouragement." Pour voir l'extrait cliquez ici. 


Guy de Maupassant est l’un des plus célèbres écrivains français du XIXème siècle. Parti de sa campagne normande, il va être introduit par Flaubert, son mentor, auprès d’autres « grands » comme Zola et les frères Goncourt. Il prend part aux rassemblements du groupe de Médan où il écrit une nouvelle. Journaliste et auteur, Maupassant écrira plus de 300 contes et nouvelles ainsi que de très nombreuses chroniques, deux récits de voyage et seulement six romans. Bel-Ami, l’un des ses plus longs textes, est publié en 1885 sous forme de feuilleton dans le journal Gil Blas. Il décrit l’ascension sociale, fulgurante, de Georges Duroy. Dorigine modeste, il va s’élever dans l’échelle sociale grâce à son arrivisme et son physique plaisant, comme l’indique son surnom éponyme du titre : « Bel-Ami ».  
Ici, nous allons étudier une partie du chapitre deux présentant une partie du repas chez son ami, ancien camarade, M. Forestier. Il s’agit du premier repas de Duroy dans le beau monde, lui qui n’est encore qu’un simple employé de bureau. Il compte néanmoins devenir journaliste grâce à l’appui de son ancien compagnon d’armes, Forestier, qui lui travaille comme rédacteur politique à la Vie Française. Ce dîner est pour lui l’occasion de rencontrer le patron de ce journal, M. Walter, et de briller. Juste avant notre passage, il vient de s’illustrer en narrant ses aventures à l’armée et Walter vient de lui commander une série d’articles. Durant le passage, George Duroy exulte et ose enfin adresser la parole a sa voisine de table, Mme de Marelle. On porte également un toast à M Walter, le patron et a son journal. Nous allons donc essayer de nous demander en quoi ce passage marque la première étape de l’ascension sociale de George Duroy dans un monde différent du sien. Pour ce faire, nous nous intéresserons d’abord aux regards que portent les différentes femmes sur George Duroy, ensuite au ressenti et aux impressions qu’a Duroy de lui-même après son coup d’éclat.  Enfin, nous verrons l’opposition qui est faite entre le monde des hommes et celui des femmes par Maupassant.

Les femmes sont omniprésentes depuis le début du roman et indissociable au personnage principal, George Duroy. Les trois femmes, Mme Forestier, Mme de Marelle et Mlle de Marelle, ont chacune un regard et une réaction très différente en fonction de leurs expériences et de leur âge. Les regards priment sans doute parce que Maupassant considère que les yeux  sont les fenêtres de l’âme et qu’ils reflètent beaucoup de sentiment. 
Mme Forestier ouvre le passage sur « un regard protecteur », presque maternel. Elle se pose comme une marraine dans ses ambitions de s’élever dans l’échelle sociale. Elle l’épaulera, le secondera et l’assistera parce qu’elle est sûre de sa réussite future (« Toi tu réussiras »). Elle est la seule autour de la table, hormis Charles Forestier à connaitre la situation misérable de Duroy, pourtant elle a des yeux « toujours bienveillants » et lui lance même un « encouragement ». Elle est, également, décrite comme une «connaisseuse » et Maupassant nous montre déjà, qu’elle n’est pas étrangère a la réussite de l’ancien compagnon d’arme de George Duroy, Forestier. Pourtant, elle semble insensible aux charmes de Duroy et ses regards ne portent aucune connotation romantique. Maupassant nous apprends dès maintenant que Madeleine Forestier ne sera jamais vraiment conquise par son héros.
La seconde femme à intervenir est sa voisine de table, Mme de Marelle, qui est mariée mais est venue sans son mari, seulement accompagné de sa petite fille, Laurine. Durant la première partie du passage, ils ne s’adressent pas la parole, ni se regardent franchement, pourtant Mme de Marelle se tourne vers George Duroy «à plusieurs reprises», sans doute attirée par son physique séducteur. Un autre indice, laissé par Maupassant, permet de nous mettre sur cette piste : il s’agit de la comparaison entre le bijou en diamant de Mme de Marelle et une goutte d’eau. En effet sa boucle d’oreille est présentée tremblante, comme une goutte d’eau fraiche, irrésistiblement attirée par le sol, qui « allait se détacher et tomber ». Plus largement, le lecteur comprend que la boucle d’oreille n’est pas le seule à être sur le point de tomber mais plutôt que c’est Mme de Marelle qui est sur le point de succomber aux charmes du beau George Duroy. Ce dernier est d’ailleurs assez réciproquement attiré : il est intimidé, « tremblant de dire une sottise ». Mais leur bref échange se conclu assez favorablement puisque Mme de Marelle le gratifie « d’un de ces clair regards de femmes qui pénètrent jusqu’au cœur ». Maupassant, dans ce passage, nous fait déjà pressentir la future idylle entre Mme de Marelle et George Duroy.
Enfin apparait la fille de Mme de Marelle: Laurine. Elle se détache singulièrement du paysage, « la petite fille » se détache du monde des adultes et semble servir de relai à Maupassant pour critiquer la société mondaine de son époque. Elle ne regarde pas du tout Duroy et garde « la tête baissé sur son assiette » un moyen pour l’auteur de nous faire comprendre qu’elle reste innocente. Son attitude « immobile et grave » contraste singulièrement avec la frivolité et la superficialité de autres personnages autour des la table, qui sont trop occuper à essayer de se faire remarquer et a être important.
Finalement, chacune des trois femmes de ce passage portent un jugement différent et créent des futures relations avec George Duroy. Mme Forestier se place en protectrice, sure qu’il parviendra à percer avec un intérêt presque professionnel. Mme de Marelle, au contraire, est prête, à l’instar de son bijou,  à tomber dans les bras de Duroy et à devenir son amante. Laurine, elle contraste avec toutes ces mondanités et reste très à l’écart, comme si elle ignorait même que Duroy était présent.

 
Après les différents regards des femmes autour de la table ce qui se détache, notablement, de ce passage sont les impressions et les sentiments de George Duroy après son coup d’éclat, notamment, pendant le toast.
Les sentiments de Duroy nous apparaissent comme très chimériques. Mais il s’agit d’un choix de l’auteur qui nous passe en focalisation interne ce qui donne a la description de ce toast un point de vue tout a fait subjectif. De plus Maupassant, utilise le conditionnel passé (« aurait vidé », « aurait mangé ») et l’imparfait (« se sentait ») pour marquer une véritable coupure avec la réalité.  « Gris de triomphe », il se sent comme un Hercule. Il est prêt a « mang[er] un bœuf, étrangl[er] un lion » (référence respective au dixième et premier travaux d’Hercule de la mythologie gréco/romaine). Se comparer à Hercule, donne à George Duroy, l’impression que rien ne pourra arrêter son ascension.    Il se détache de toute réalité et, d’abord sent dans tous son corps « une vigueur surhumaine », comme pour rappeler la partie animale de l’être humain. Puis sont esprit exagère ses sensations comme le prouve les deux adjectifs hyperboliques : « une résolution invincible » et  «une espérance infinie ». Ces impressions viennent, sans doute, de l’impression de luxe qui se dégagent de ce toast : on sert « du vin de Johannisberg » (vin allemand très coté) dans des « verres bleus » (le bleu est, entre autre, le symbole de l’élévation spirituelle). Ce sentiment de luxe et de profusion (« Il aurait de même vidé une barrique entière ») plait à George Duroy qui a en outre l’impression d’avoir trouvé sa place.  
Cette impression d’être « chez lui, maintenant, au milieu de ces gens » engage chez lui une véritable renaissance. Il vient « d’y prendre position, d’y conquérir sa place » et c’est « avec une assurance nouvelle » qu’il ose enfin engager la discussion avec Mme de Marelle. Cette dernière impression semble confirmée par l’auteur qui repasse en focalisation externe à « Il était enfin chez lui ».


Ce passage marque donc le véritable début de l’ascension de George Duroy dans l’échelle sociale. Les femmes et leurs points de vue, dominent largement dans l’occupation de ce passage, une manière pour Maupassant de confirmer ce qu’il annonçait dans l’incipit : c’est grâce aux femmes qu’il va s’élever socialement. Un initiatrice, Mme Forestier qui ouvre et conclu ce passage, persuadée que Duroy réussira. Une amante, Mme de Marelle, déjà prête à tomber entre les bras du personnage principal. De plus George Duroy est complètement grisé par son triomphe et le luxe qui l’entoure se sent peu à peu, au cours du repas, comme chez lui.   
Maupassant porte, également à travers ce passage, une critique sur la bourgeoisie de son temps. D’abord à travers les yeux de Laurine qui reste seule face a la frivolité et la superficialité des adultes sans doute du a la profusion d’alcool et de met luxueux. Il critique  également l’influence du journalisme, à l’origine de ce luxe, et l’importance quasi despotique du « Patron » qui était la norme au XIXème siècle.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             PS : Que vous ayez aimé ou bien que vous ayez une remarque à faire n'hésitez pas à laisser un  petit commentaire ! 

samedi 22 novembre 2014

Lettre de Paul, résistant, à ses enfants

Paul  était originaire de Bretagne, ses parents étaient pharmaciens au Faou dans le Finistère. Il était professeur des écoles mais devint, durant l'Occupation, traducteur pour les forces allemandes. Profondément patriote, il se servit de sa place pour livrer de nombreuses informations stratégiques aux Alliés de l'autre côté de la Manche via le réseau Turma-Vengeance. Il avait élu domicile à Brest avec sa femme, Françoise, et ses deux enfant, Yves et Capucine.  Il avait  avait trente cinq ans lorsqu'il s'est fait prendre en flagrant délit de vol de document et fut fusillé le 21 mars 1942.


Mes chers petits enfants,

Je vais mourir mais ne m'en voulez pas. Demain, à l'heure où le sommeil et les rêves berceront vos beaux visages d'ange attendris, je partirais, transpercé de centaines de balles de haines et de désespoir. Je partirais, mon petit balluchon à la main et votre belle image présente a jamais au fond de mon cœur. Je partirais vers un autre monde. Ne cherchez pas à me rejoindre rapidement mais vivez ! Vivez longtemps la vie que je n'ai pu vivre; ne vivez pas avec mon souvenir triste et terne.

Je vous ai si peu connu... Mais je vous ai connu heureux et plein de vie comme des oisillons à l'heure de leur premier vol. Je vous ai connu dynamiques, faibles et attendrissant; et c'est comme cela que je souhaiterais vous revoir. Bientôt vous deviendrez de jeunes adultes et à ce moment il vous faudra assumer vos choix et vos décisions. Sachez alors, que quand je me suis engagé contre cette noire et sordide idée qu'est le nazisme, je savais que j'en payerai le prix fort. La mort n'est pas une fin en soit, mais l'idée de ne pas vous voir grandir me transperce le cœur plus surement que le feront les balles allemandes dans quelques heures.

Ensuite, devenez vieux et sachez que j'aurais aimé être plus vieux aujourd'hui. Vous avoir vu grandir ne serait ce qu'un peu plus. Vous avoir vu perdre vos dents. Vous avoir vu devenir un homme et une femme responsable. Toutes ces futilités de la vie m'auraient permis de partir bien plus tranquille aujourd'hui. Hélas cela n'arrivera pas et je mourrais. Je mourrais en ayant commis un crime terrible, le pire des crimes ! Lequel ? me demanderez-vous. Certe j'ai parcouru la France, notre patrie, accompagné de documents pour mes frères d'armes résistants et l'Angleterre, notre seul véritable alliée; et cela est un crime aux yeux des autorités. Mais, à mes yeux, mon seul et unique crime ô combien plus capital fut de vous abandonner seul. Seul face à l'inconnu. Seul face à la vie et ses supplices. Vous allez sans doute me haïr mais ne suivez pas mon exemple; n'abandonnez jamais vos enfants, votre famille. Ils sont votre raison même d'exister. et je comprends que maintenant que les paroles et les grandes idées sont bien vaines face à l'amour de deux enfants chéris !

 Ne me pleurez pas trop, mais consolez plutôt votre petite maman. Je viens de la voir il y a quelques heures et elle m'a paru bien affligée. Si elle pleure de temps en temps à mon souvenir, enserrez la tous les deux bien fortement comme je le faisais avant et séchez lui ses larmes. A la Libération, car je sais qu'elle arrivera, elle est inéducable, certains prétendront que je suis un héros et m'accorderons des prouesses et des faits d'armes chimériques. Ne les écoutez pas. N'acceptez pas, non plus, de médailles où des compensations financière. Je ne veux pas que mon souvenir subsiste au travers d'un peu d'or, d'argent où même d'un ruban satiné. mais lisez cette lettre à vos enfants et petits-enfants, car c'est à travers vous et eux que je veux survivre.

Enfin, les Vichystes et les Allemands risquent de beaucoup souffrir de cette fin de guerre. aussi, je vous demande de les respecter car ils restent des hommes et des femmes. Ils se sont seulement égarés et suivit la voie obscure et imbibée de sang qu'est le fascisme et sa pire branche : le nazisme. Si vous m'aimez épargnez les et ne les persécutez pas pour des idées qu'ils ont crus juste comme j'ai été moi même persécuté pour mes idées. Les idées ne sont qu'arbitraires et stupides et ne vous laissez pas éblouir par elles mais aimez l'autre au mépris de ses différences et chérissez la vie.

Yves et Capucine mes enfants pour l’éternité,
Adieu,
                                                                                    Papa   






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