Paul était originaire de Bretagne, ses parents étaient pharmaciens au Faou dans le Finistère. Il était professeur des écoles mais devint, durant l'Occupation, traducteur pour les forces allemandes. Profondément patriote, il se servit de sa place pour livrer de nombreuses informations stratégiques aux Alliés de l'autre côté de la Manche via le réseau Turma-Vengeance. Il avait élu domicile à Brest avec sa femme, Françoise, et ses deux enfant, Yves et Capucine. Il avait avait trente cinq ans lorsqu'il s'est fait prendre en flagrant délit de vol de document et fut fusillé le 21 mars 1942.
Mes chers petits enfants,
Je vais mourir mais
ne m'en voulez pas. Demain, à l'heure où le sommeil et les rêves berceront vos
beaux visages d'ange attendris, je partirais, transpercé de centaines de balles
de haines et de désespoir. Je partirais, mon petit balluchon à la main et votre
belle image présente a jamais au fond de mon cœur.
Je partirais vers un autre monde. Ne cherchez pas à me rejoindre rapidement
mais vivez ! Vivez longtemps la vie que je n'ai pu vivre; ne vivez pas avec mon
souvenir triste et terne.
Je vous ai si peu
connu... Mais je vous ai connu heureux et plein de vie comme des oisillons à
l'heure de leur premier vol. Je vous ai connu dynamiques, faibles et
attendrissant; et c'est comme cela que je souhaiterais vous revoir. Bientôt
vous deviendrez de jeunes adultes et à ce moment il vous faudra assumer vos
choix et vos décisions. Sachez alors, que quand je me suis engagé contre cette
noire et sordide idée qu'est le nazisme, je savais que j'en payerai le prix
fort. La mort n'est pas une fin en soit, mais l'idée de ne pas vous voir
grandir me transperce le cœur plus surement que le feront les balles allemandes
dans quelques heures.
Ensuite, devenez
vieux et sachez que j'aurais aimé être plus vieux aujourd'hui. Vous avoir vu
grandir ne serait ce qu'un peu plus. Vous avoir vu perdre vos dents. Vous avoir
vu devenir un homme et une femme responsable. Toutes ces futilités de la vie
m'auraient permis de partir bien plus tranquille aujourd'hui. Hélas cela
n'arrivera pas et je mourrais. Je mourrais en ayant commis un crime terrible,
le pire des crimes ! Lequel ? me demanderez-vous. Certe j'ai parcouru la
France, notre patrie, accompagné de documents pour mes frères d'armes
résistants et l'Angleterre, notre seul véritable alliée; et cela est un crime aux
yeux des autorités. Mais, à mes yeux, mon seul et unique crime ô combien plus capital fut de vous abandonner seul. Seul
face à l'inconnu. Seul face à la vie et ses supplices. Vous allez sans doute me
haïr mais ne suivez pas mon exemple; n'abandonnez jamais vos enfants, votre
famille. Ils sont votre raison même d'exister. et je comprends que maintenant
que les paroles et les grandes idées sont bien vaines face à l'amour de deux
enfants chéris !
Ne me pleurez pas trop, mais consolez plutôt
votre petite maman. Je viens de la voir il y a quelques heures et elle m'a paru
bien affligée. Si elle pleure de temps en temps à mon souvenir, enserrez la
tous les deux bien fortement comme je le faisais avant et séchez lui ses
larmes. A la Libération, car je sais qu'elle arrivera, elle est inéducable,
certains prétendront que je suis un héros et m'accorderons des prouesses et des
faits d'armes chimériques. Ne les écoutez pas. N'acceptez pas, non plus, de
médailles où des compensations financière. Je ne veux pas que mon souvenir
subsiste au travers d'un peu d'or, d'argent où même d'un ruban satiné. mais
lisez cette lettre à vos enfants et petits-enfants, car c'est à travers vous et
eux que je veux survivre.
Enfin, les
Vichystes et les Allemands risquent de beaucoup souffrir de cette fin de
guerre. aussi, je vous demande de les respecter car ils restent des hommes et
des femmes. Ils se sont seulement égarés et suivit la voie obscure et imbibée
de sang qu'est le fascisme et sa pire branche : le nazisme. Si vous m'aimez épargnez
les et ne les persécutez pas pour des idées qu'ils ont crus juste comme j'ai
été moi même persécuté pour mes idées. Les idées ne sont qu'arbitraires et
stupides et ne vous laissez pas éblouir par elles mais aimez l'autre au mépris
de ses différences et chérissez la vie.
Yves et Capucine mes enfants pour l’éternité,
Adieu,
Papa
PS : Que vous ayez aimé ou bien que vous ayez
une remarque à faire n'hésitez pas à laisser un petit commentaire !
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