samedi 22 novembre 2014

Lettre de Paul, résistant, à ses enfants

Paul  était originaire de Bretagne, ses parents étaient pharmaciens au Faou dans le Finistère. Il était professeur des écoles mais devint, durant l'Occupation, traducteur pour les forces allemandes. Profondément patriote, il se servit de sa place pour livrer de nombreuses informations stratégiques aux Alliés de l'autre côté de la Manche via le réseau Turma-Vengeance. Il avait élu domicile à Brest avec sa femme, Françoise, et ses deux enfant, Yves et Capucine.  Il avait  avait trente cinq ans lorsqu'il s'est fait prendre en flagrant délit de vol de document et fut fusillé le 21 mars 1942.


Mes chers petits enfants,

Je vais mourir mais ne m'en voulez pas. Demain, à l'heure où le sommeil et les rêves berceront vos beaux visages d'ange attendris, je partirais, transpercé de centaines de balles de haines et de désespoir. Je partirais, mon petit balluchon à la main et votre belle image présente a jamais au fond de mon cœur. Je partirais vers un autre monde. Ne cherchez pas à me rejoindre rapidement mais vivez ! Vivez longtemps la vie que je n'ai pu vivre; ne vivez pas avec mon souvenir triste et terne.

Je vous ai si peu connu... Mais je vous ai connu heureux et plein de vie comme des oisillons à l'heure de leur premier vol. Je vous ai connu dynamiques, faibles et attendrissant; et c'est comme cela que je souhaiterais vous revoir. Bientôt vous deviendrez de jeunes adultes et à ce moment il vous faudra assumer vos choix et vos décisions. Sachez alors, que quand je me suis engagé contre cette noire et sordide idée qu'est le nazisme, je savais que j'en payerai le prix fort. La mort n'est pas une fin en soit, mais l'idée de ne pas vous voir grandir me transperce le cœur plus surement que le feront les balles allemandes dans quelques heures.

Ensuite, devenez vieux et sachez que j'aurais aimé être plus vieux aujourd'hui. Vous avoir vu grandir ne serait ce qu'un peu plus. Vous avoir vu perdre vos dents. Vous avoir vu devenir un homme et une femme responsable. Toutes ces futilités de la vie m'auraient permis de partir bien plus tranquille aujourd'hui. Hélas cela n'arrivera pas et je mourrais. Je mourrais en ayant commis un crime terrible, le pire des crimes ! Lequel ? me demanderez-vous. Certe j'ai parcouru la France, notre patrie, accompagné de documents pour mes frères d'armes résistants et l'Angleterre, notre seul véritable alliée; et cela est un crime aux yeux des autorités. Mais, à mes yeux, mon seul et unique crime ô combien plus capital fut de vous abandonner seul. Seul face à l'inconnu. Seul face à la vie et ses supplices. Vous allez sans doute me haïr mais ne suivez pas mon exemple; n'abandonnez jamais vos enfants, votre famille. Ils sont votre raison même d'exister. et je comprends que maintenant que les paroles et les grandes idées sont bien vaines face à l'amour de deux enfants chéris !

 Ne me pleurez pas trop, mais consolez plutôt votre petite maman. Je viens de la voir il y a quelques heures et elle m'a paru bien affligée. Si elle pleure de temps en temps à mon souvenir, enserrez la tous les deux bien fortement comme je le faisais avant et séchez lui ses larmes. A la Libération, car je sais qu'elle arrivera, elle est inéducable, certains prétendront que je suis un héros et m'accorderons des prouesses et des faits d'armes chimériques. Ne les écoutez pas. N'acceptez pas, non plus, de médailles où des compensations financière. Je ne veux pas que mon souvenir subsiste au travers d'un peu d'or, d'argent où même d'un ruban satiné. mais lisez cette lettre à vos enfants et petits-enfants, car c'est à travers vous et eux que je veux survivre.

Enfin, les Vichystes et les Allemands risquent de beaucoup souffrir de cette fin de guerre. aussi, je vous demande de les respecter car ils restent des hommes et des femmes. Ils se sont seulement égarés et suivit la voie obscure et imbibée de sang qu'est le fascisme et sa pire branche : le nazisme. Si vous m'aimez épargnez les et ne les persécutez pas pour des idées qu'ils ont crus juste comme j'ai été moi même persécuté pour mes idées. Les idées ne sont qu'arbitraires et stupides et ne vous laissez pas éblouir par elles mais aimez l'autre au mépris de ses différences et chérissez la vie.

Yves et Capucine mes enfants pour l’éternité,
Adieu,
                                                                                    Papa   






PS : Que vous ayez aimé ou bien que vous ayez une remarque à faire n'hésitez pas à laisser un petit commentaire ! 

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